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Les greffes de poumons de fumeurs restent nécessaires

Face au manque de greffons sains, les poumons de fumeurs permettent de sauver des malades, même si la prolongation de la durée de vie est moindre qu’avec un poumon de non-fumeur.

Parer au pire, faute de mieux. La greffe de poumon, en raison de la fragilité de l’organe, est extrêmement délicate et ne représente que 5% des transplantations pratiquées en France comme au Royaume-Uni.

Alors que 80% des poumons de donneurs décédés ne peuvent être greffés car ils sont le siège d’un œdème ou d’une infection, une enquête britannique publiée fin mai sur le site du Lancet s’est penchée sur le devenir des patients recevant des poumons de fumeurs. Les chercheurs de l’université de Birmingham ont ainsi étudié la survie à trois ans de 2181 patients sur liste d’attente d’une greffe de poumon entre 1999 et 2010. Sur les 1295 patients ayant bénéficié d’une transplantation, 39% ont reçu les poumons d’un fumeur.

Bien que l’étude constate une mortalité accrue de 46% chez ces derniers par rapport aux receveurs de poumons sains, elle n’en conclut pas pour autant à l’arrêt nécessaire de ce genre de don. En effet, le groupe de patients greffés avec un poumon de fumeur enregistre tout de même une survie supérieure de 21% à celle du groupe n’ayant pas eu de greffe, et même de 61%, concernant les patients atteints de fibrose pulmonaire.

«Parfois on ne peut se permettre d’attendre mieux»

«Nos données montrent que les patients, qui sont informés que le greffon vient d’un fumeur et ont le choix de le refuser, ont globalement plus de chances de survie en acceptant la greffe. L’arrêt des transplantations d’organes de fumeurs, qui représentent près de 40% des donneurs, n’est donc pas souhaitable et augmenterait sensiblement le nombre global de décès de patients», estime le Pr Robert Bonser, principal auteur de l’étude.

Une opinion partagée par le Pr Alain Chapelier, chef du service de chirurgie thoracique de l’hôpital Foch de Suresnes. «Certes, les poumons de fumeurs sont, sur le long terme, davantage sujets aux infections ou au développement de cancers. Mais lorsque l’état du patient est très grave, on ne peut se permettre d’attendre mieux.» À l’heure actuelle, les patients bénéficiant d’une greffe du poumon ont globalement une chance de survie de 50 à 60% à cinq ans.

Une cloche pour réhabiliter les greffons


En France, à l’instar de la Grande-Bretagne, le tabac n’est pas une contre-indication au don d’organe. «Les critères de sélection des greffons reposent avant tout sur l’absence de pathologies touchant les poumons et sur leur capacité à bien oxygéner le sang. Ils ont d’ailleurs été élargis en 2010 par l’agence de biomédecine», rappelle le pr Antoine Magnan, chef du service de pneumologie de l’hôpital universitaire de Nantes.

L’étude souligne également le terrible gaspillage lié à la dégradation des poumons de donneurs potentiels, fumeurs ou non, qui dans une très grande majorité de cas ne peuvent être prélevés faute de capacité suffisante à assurer les échanges gazeux une fois transplantés.

En France, depuis le mois de mars 2011, le service du Pr Chapelier a développé une technique de réhabilitation des greffons pulmonaires afin d’augmenter le pourcentage de greffons prélevés. «Il s’agit de reconditionner sous cloche les greffons pulmonaires qui, de “limites”, deviennent “transplantables”. Les premiers résultats sont remarquables. Le taux de survie des patients est aussi bon qu’avec des greffons initialement transplantables. Cela nous a permis d’augmenter de 25% le nombre de transplantations entre 2010 et 2011 à Foch. Nous ne déplorons aucun décès sur liste d’attente depuis le début de l’expérience», conclut le Pr Chapelier .

Bien que la survie à long terme des patients reste à déterminer dans un cas comme dans l’autre, l’élargissement des critères de sélection de greffons et la réhabilitation des greffons ont conjointement permis une augmentation spectaculaire du nombre de greffes entre 2010 et 2011, passé de 254 à 324.