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Trop de somnifères prescrits chez les plus de 65 ans

Selon la Haute Autorité de santé, la surconsommation de ces produits devient un «enjeu de santé publique de premier plan».

Trois millions et demi de Français âgés de plus de 65 ans prennent dessomnifères de façon chronique, souvent à mauvais escient, et s’exposent à des effets secondaires potentiellement graves. Pour les autorités sanitaires, le constat sonne comme un échec. Ni les campagnes d’information récurrentes, ni les objectifs de baisse fixés en 2011 par la Sécurité sociale n’ont eu d’impact sur les prescriptions de benzodiazépines et de médicaments apparentés. Leur consommation reste, en France, de trois à cinq fois supérieure à celle d’autres pays européens.

«Cette surprescription devient un enjeu de santé publique de premier plan», a prévenu mardi le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de santé (HAS), qui s’empare à nouveau du sujet avec une sensibilisation du grand public et des médecins traitants. Les personnes âgées, plus fragiles, sont aussi plus exposées aux effets délétères des somnifères, qui peuvent être à l’origine de chutes, de troubles de la mémoire et de difficultés de compréhension, et engendrent parfois une dépendance. «Des hospitalisations et des pertes d’autonomie pourraient être évitées par une utilisation plus sélective des hypnotiques», constate Claude Rambaud, présidente du Lien, une association de malades. Par ailleurs, plusieurs études scientifiques – dont une à paraître vendredi dans le British Medical Journal – ont mis en évidence un lien statistique entre benzodiazépines et démence, sans que la relation de cause à effet soit établie.

Relaxation et hygiène de vie

Pourtant, selon l’estimation de la HAS, plus de la moitié des traitements ne sont pas indiqués, lesvraies insomnies étant rares après un certain âge. «Au fil de la vie, le sommeil se modifie pour des raisons physiologiques», explique le Dr Sylvie Royant-Parola, présidente du réseau Morphée. «Il se fractionne: la personne âgée dort moins la nuit et multiplie les siestes réparatrices dans la journée. Cela crée souvent une impression de mal dormir, qui pousse les gens à se plaindre d’insomnie.» Le médecin généraliste doit donc prendre le temps d’expliquer cette modification des cycles, sans céder à la tentation d’une prescription facile. Il doit aussi interroger son patient sur tout événement ayant pu perturber son sommeil et rechercher une éventuelle pathologie, comme un épisode dépressif, un début d’apnée du sommeil ou des douleurs nocturnes.

Pour mener cet interrogatoire, la HAS met à la disposition des professionnels de santé des questionnaires, un agenda du sommeil ou des fiches d’informations sur les somnifères. «Il faut reconnaître que cette démarche prend du temps et n’est pas toujours bien accueillie par le patient, alors que la rédaction d’une ordonnance ne prend pas plus d’une minute», note-t-on à l’ordre des médecins, tandis que le Dr Royant-Parola regrette une «lacune dans la formation des médecins» dans laquelle s’engouffrent les laboratoires pharmaceutiques.

La HAS rappelle donc que des thérapies non médicamenteuses, comme la relaxation ou de simples aménagements dans l’hygiène de vie, existent. Si elle est finalement retenue, la prescription de somnifères doit toujours être de courte durée: quatre semaines au maximum. Son efficacité diminue avec le temps. Dans les faits, la consommation se prolonge pendant sept mois en moyenne, et souvent pendant plusieurs années chez les personnes âgées.

Selon la HAS, «un arrêt brutal les exposerait à des effets plus ou moins importants: anxiété, rebond de l’insomnie, confusion, voire des hallucinations ou des convulsions». C’est la raison pour laquelle un sevrage progressif sur quelques mois ou une simple diminution des doses doit toujours être proposé par le médecin généraliste.