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Un village comme autrefois pour se sentir bien

Une société suisse va construire pour des patients atteints de la maladie d’Alzheimer un village au look des années 1950. Calqué sur un modèle néerlandais, ce projet a pour ambition de créer une atmosphère apaisante pour des malades qui vivent beaucoup dans le passé. Une approche contestée par certains spécialistes.



Pour un peu ses détracteurs surnommeraient l’endroit « Démenceville ». Pourtant la Suisse, passant outre au vif débat qui oppose les spécialistes de gérontologie, maintient son projet de construire un village façon années 1950, réservé aux personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles neurodégénératifs.

La construction de ce complexe, d’un coût de 20 millions d’euros, vient d’être autorisée. Il devrait s’implanter près du village de Wiedlisbach, dans les environs de Berne. Logements et soins médicaux sont prévus pour 150 patients âgés, atteints de démence, qui seront répartis dans 23 bâtiments adaptés, construits dans le style des années 1950. Les maisons seront délibérément conçues pour recréer l’atmosphère d’antan.

Les auteurs du projet assurent que les portes ne seront pas fermées et que les résidents seront libres de leurs mouvements. Pour renforcer l’atmosphère de normalité, les personnels soignants se déguiseront en jardiniers, coiffeurs ou commerçants. Seule restriction : les habitants de Wiedlisbach ne seront pas autorisés à quitter le village.

Une démarche similaire, innovante mais controversée, en matière de psychogériatrie a déjà été entreprise aux Pays-Bas, où une maison de retraite de Hogewey pour personnes atteintes de démence a été créée dans la banlieue d’Amsterdam en 2009. Les pensionnaires paient 5 000 euros par mois pour vivre dans un monde d’illusions soigneusement mis en scène.

Markus Vögtlin, l’entrepreneur suisse à l’origine du centre de Wiedlisbach, s’est rendu à Hogewey avant de lancer son projet. Il ne tarit pas d’éloges sur la méthode néerlandaise. « Les personnes démentes sont souvent agitées et agressives, mais à Hogewey, elles sont détendues et heureuses », a rapporté M. Vögtlin. Ces pathologies entraînent chez ces patients des difficultés pour se rappeler ce qui se passe à l’instant présent, mais en général ils ont des souvenirs précis du passé. « Ce genre d’environnement les met à l’aise. J’appelle cela remonter le temps », affirme-t-il.

A l’instar du reste de l’Europe, la Suisse peine à faire face à l‘augmentation de la population des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. On dénombre dans le pays 107 000 personnes âgées souffrant de troubles mentaux, et ce chiffre devrait doubler au cours des vingt prochaines années.

Pourtant, la création d’un monde illusoire ne convainc pas tous les spécialistes des soins gériatriques. Michael Schmieder, directeur de la maison de retraite médicalisée de Sonnweid [dans le canton de Zurich] qui accueille 150 patients, se dit hostile à l’idée de créer une atmosphère artificielle d’époque 1950. « Cette idée représente une tentative de reproduire une normalité que les personnes démentes n’ont pas », dénonce-t-il.

Dans l’établissement de M. Schmieder, les pensionnaires conservent une complète liberté de mouvement. « Nous procurons du bien-être, exactement comme un hôtel quatre étoiles, estime M Schmieder. « Nos patients vivent l’instant présent, et non dans le passé. »

Toutefois, l’association Alzheimer Suisse, qui met en œuvre divers programmes d’aide aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, soutient le projet de Wiedlisbach. Sa porte-parole, Birgitta Marensson, rejette l’accusation selon laquelle il s’agirait d’un ghetto pour malades mentaux. « Il faut différents types de programmes de soins, parce que la maladie comporte plusieurs stades, souligne-t-elle. Un village consacré à la démence est une bonne solution pour les patients en phase avancée ».